dimanche 16 juin 2019

Tirana - bunkers


Les bunkers

Pour comprendre la démarche paranoïaque du dictateur Enver Hoxha il faut rappeler la situation géopolitique du pays. En 1939 l'Albanie est envahie par les troupes italiennes. Hoxha cherche à organiser la résistance et avec l'aide du parti communiste yougoslave il fonde un nouveau parti communiste dont il est secrétaire général.
Un accord est conclu entre résistants nationalistes, royalistes et communistes, et ils sont formés par des instructeurs militaires britanniques.
En mai 44 la wermach recule et le parti communiste albanais se renforce et élit un gouvernement provisoire dont Hoxha est élu dirigeant du comité exécutif. Il se retourne alors contre ses anciens alliés en déclarant illégaux les groupes n'appartenant pas à sa mouvance .
Hoxda essaiera de se concilier les grâces de L’URSS mais Staline refusera de le recevoir. L'idée était que l'Albanie devait se fondre dans la Yougoslavie. En 1948 l'Albanie rompt avec l'URSS, le groupe pro-Yougoslave est liquidé.

En 1949 les gouvernements Américains et Anglais sont inquiets d’une expansion communiste vers l'ouest. Ils estiment que le pays le plus menaçant et facile à déstabiliser est l'Albanie. Ils reçoivent d'ailleurs le soutien tacite de Tito président de la Yougoslavie qui craignait d’être assassiné par Hoxha.

Les Américains entament des opérations de déstabilisation et entraînent 250 réfugiés albanais. Les neuf premiers hommes sont parachutés en Albanie le 19 novembre 1950. L'opération est un échec total, l'équipe étant attendue au sol. Les équipes suivantes connaissent le même sort. En avril 1954 s'ouvre à Tirana le procès de réfugiés albanais infiltrés et capturés.

Il apparaît qu'un opérateur radio « retourné » travaillait depuis dix-huit mois pour la Sigurimi, les services de renseignements albanais.
Le projet Valuable se termine en avril 1954 par un procès à Tirana, suivi par une campagne de terreur sur tout le territoire albanais (plusieurs milliers d'exécutions pour une population de moins de deux millions de personnes).

Pour en savoir plus :

En effet Hoxda utilise les méthodes staliniennes pour se maintenir au pouvoir; la Sigurimi, constitue un réseau d'espionnage interne très efficace et redoutable; un dixième de la population, considéré comme suspect, est interné dans des camps; 170 cadres dirigeants du Parti sont liquidés et un Albanais sur trois a un jour ou l'autre affaire à la police politique.

Puis toute forme de pratique religieuse est interdite, avec la fermeture immédiate des 2000 mosquées et églises encore ouvertes. Les grades militaires sont abolis, des conseillers politiques sont installés dans les casernes.

En 1956, trois ans après la mort de Staline, Nikita Khrouchtchev lance une campagne de déstalinisation. La rupture est consommée entre l'Albanie et l'URSS.

En 1961, la Chine, à la recherche d'alliés, accroît son aide à Tirana et conclut une alliance officielle.

Mais le rapprochement de la Chine avec les États-Unis en 1972, puis la fin de facto de l'idéologie maoïste en Chine à la mort de Mao, et la prise du parti du Viêt Nam dans son conflit avec la Chine provoque la rupture sino-albanaise en 1978.

Hoxha est victime d'une crise cardiaque en 1973 dont il ne se remettra jamais complètement. En décembre 1981, il sombre dans la paranoïa et craint que le pays soit envahis par les américains ou les soviétiques. Il organise l'élimination politique et physique de son plus fidèle compagnon, Mehmet Shehu, Premier ministre depuis 1954. Ceci parce que Shehu avait conscience que la rupture avec la Chine mettrait l'Albanie dans un isolement total.

Hoxha transmet la plupart de ses fonctions à Ramiz Alia. Dans les derniers mois, il ne se déplace qu'en chaise roulante,  souffrant d’un diabète qu'il a commencé à développer en 1948, et d'ischémie cérébrale dont il souffrait depuis 1983. Il décède le 9 avril 1985.

BUNKER 1

C'est dans ce contexte d'isolement de son pays qu'il lance en 1972 un programme de construction de bunker souterrains. 207.000 bunkers furent programmés et 168.000 furent construits. La plupart étant de petite taille. Deux, de grande taille sont visitables. Le premier se situe sur les hauteurs de Tirana (à 800m de la gare du téléphérique) le second est en centre ville (à 300m de la place centrale)

La construction du bunker N1 débute en septembre 1972 et sera inaugurée en juin 1978. Il fait une surface de 2685 m² répartis sur 5 niveaux, 106 pièces et une salle de cinéma. Cette structure était réalisée dans un but militaire pour garantir le fonctionnement normal des institutions en temps de guerre. Les caciques du régime devaient y être hébergés. Cette idée était le fruit d'une visite de délégués militaires en Corée du Nord en 1964 !!!

L'aménagement qui est présenté au public est parfaitement pédagogique, certaines pièces se suffisant à elles mêmes.

(cliquer sur les flèches pour faire défiler le diaporama) 

bureau du chef des armées


coursive


crash avion anglais opération valuable


entrée du bunker n°1


ameublement du bunker


aménagement d'une cuisine


plan du bunker


salle de cinéma et de congrés


salle de classe


transmissions
f

BUNKER 2

Ce bunker se situe en centre ville. Son plan n'est pas indiqué. Il se termine par un sas de décontamination (qui n'a jamais fonctionné) construit par crainte des attaques chimiques ou nucléaires.

La présentation est thématique. Elle explique la formation et l'organisation de la gendarmerie fondue en 1939 dans la police, des gardes frontière et de la sigurimi.

La sigurimi était une police politique totalement autonome. Le noyau du Sigurimi a été constitué pendant la guerre par Hoxha. Il s’en servit notamment pour évincer ses concurrents. Il a par la suite constitué un instrument essentiel de la mise en place et de la pérennisation du régime. On estime qu’un Albanais sur trois y a été confronté. La mission du Sigurimi était la défense de la révolution prolétarienne et la répression contre les opposants du régime.

170 membres du comité central et du bureau politique du parti ont été exécutés à la suite d'enquêtes du Sigurimi pour avoir été considérés comme proches de la Yougoslavie, de l'URSS ou de la Chine. La section du contrôle politique était impliquée dans un vaste programme d'espionnage par le biais des écoutes de conversations téléphoniques.

La section concernant les camps de prisonniers avait le devoir de rééduquer les internés et d'évaluer le degré de dangerosité de ces derniers dans la société. Les camps de Burrel et de Spaç étaient les plus durs. Il y avait treize camps répartis sur l'ensemble du pays. Les statistiques économiques et sociales étaient gérées comme des secrets d'État.

Une cellule expose les noms de 5000 personnes identifiées comme ayant été supprimées par la sigurini.
(cliquer sur les flèches pour faire défiler le diaporama) 




des prêtres sont arrêtés et déportés


dressage des chiens garde-frontière


la segurimi éliminait 12 opposants par jour


listes de noms de victimes


organisation des garde-frontières


récit des tortures subies par une jeune fille


témoignage d'une déportée
 

Ces visites sont assez impressionnantes. Chaque salle traite de façon factuelle un sujet. Ce pays regarde son histoire avec lucidité avec le souci de la transmettre.

la mémoire n'est pas ce dont on se souvient,
mais ce qui nous rappelle.
la mémoire est un présent qui ne cesse de vivre

le progrès dépend de la capacité de se souvenir...
ceux qui sont incapables de se souvenir du passé
sont condamnés à le répéter
--





le monstre de la dictature
hauteur 2,45m









nous avons construit le socialisme
en tenant la pioche dans une main
et le fusil dans l'autre






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